L’ÉDUCATION HAITIENNE

Le constat

La question essentielle de l’éducation a donné lieu à un rapport « Pour un pacte national sur l’éducation en Haïti ».
Le constat est sévère, citons l’avant-propos : « Le pays a donc choisi de ne pas investir dans l’éducation alors que la pression démographique (3,5% en 2010, parmi les plus élevés de la Région) ne fait qu’accroître davantage la demande de ressources pour le secteur éducatif.

Comment s’étonner dès lors que pour l’année 2008, par exemple, le pays comportait 2 793 829 Haïtiennes et Haïtiens (soit 38,8% de la population totale) qui n’ont jamais fréquenté une salle de classe ?
Que l’État ne possède que 8% des écoles fondamentales et que 82% des enfants inscrits à l’École fondamentale se trouvent dans un établissement privé ?
Que 56% de ces écoles fonctionnent dans des structures non prévues à cet effet (maisons d’habitation, églises et tonnelles) ?
Que 91% de ces écoles se trouvant en milieu rural fonctionnent sans électricité ? Que 65% d’entre elles fonctionnent sans eau courante ?
Que sur 100 élèves qui rentrent en 1ère année fondamentale seulement 29 d’entre eux parviendront au secondaire ? Que
seulement 1,7% des enfants handicapés d’âge scolaire ont la chance de fréquenter une école ?
Ce pattern peut-il changer ? Une rupture est-elle possible ?

Des chiffres d’autres rapports complètent ce dramatique constat :

· 40% de la population haïtienne a moins de 15 ans (3,6 Millions)
· 50% des enfants d’âge scolaire n’allaient pas à l’école avant le tremblement de terre.
· Environ 375 000 enfants entre 6 et 11 ans (soit un tiers de ce groupe d’âge) ne sont pas scolarisés.

Le système éducatif est marqué par une importante proportion d’élèves « sur âgés », phénomène dû à l’entrée tardive à l’école pour des raisons économiques ou encore au redoublement causé par la faible qualité de l’enseignement et des conditions d’apprentissage.

Le français et le créole

Dans les six années du primaire, le français et le créole constituent les deux langues d’enseignement à égalité, théoriquement du moins. L’enseignement du créole en Haïti trouve son fondement juridique dans la loi du 18 septembre 1979. Cette loi importante autorise l’usage du créole comme langue écrite et parlée dans l’enseignement.

Dans la capitale, l’enseignement se fait surtout en français; dans les petites villes et les villages de province, il se fait en créole; dans les écoles des milieux favorisés de la capitale, on n’enseigne qu’en français. Les manuels scolaires sont presque tous rédigés en français, à l’exception des grammaires du créole. Durant le secondaire, le français bénéficie de sept ou huit heures d’enseignement, contre une seule pour le créole.

Les enseignants

Depuis le tremblement de terre, la moitié des écoles (de 10 000 à 12 000) ont été détruites ou sont réputées dangereuses. Il faut aussi souligner la situation des enseignants, qui n’est pas nouvelle.

Avant le 12 janvier 2010, il y avait environ 20 000 enseignants dans les écoles publiques du pays, dont 7000 à Port-au-Prince. Nous savons maintenant que 38 000 élèves et 1300 enseignants sont décédés lors du séisme. Chose certaine, il y aura pénurie d’enseignants, tant dans les écoles publiques que privées.

Sur les 60 000 enseignants de l’Ecole Fondamentale, près de 80% n’ont pas reçu de formation initiale de base. Environ 40% de ces 80% n’ont pas le niveau de 9ème année du Fondamentale (équivalent de la 4ème secondaire). Seuls 5% ont une formation universitaire, 10% ont fait une école normale et 6% sont détenteurs d’un certificat d’aptitude à l’enseignement.

Dans l’ensemble, ceux qui enseignent dans les milieux urbains sont mieux préparés que ceux qui enseignent dans les écoles rurales. En général, les enseignants ne sont pas formés pour instruire les enfants en créole et ne peuvent que difficilement l’écrire; dans les zones rurales, la majorité des enseignants maîtrisent mal le français. On constate que de nombreux enseignants travaillent à la fois dans le public et le privé, ce qui engendre des problèmes de non-disponibilité, c’est-à-dire d’absences périodiques des professeurs dans les écoles.

HAÏTI FUTUR ET L’ÉDUCATION

L’EXPÉRIENCE DE FONDS JEAN NOËL

En 2003, le directeur de l’école nous exprime le souhait de la création d’un laboratoire informatique. Après analyse des besoins et des ressources disponibles, deux membres d’Haïti Futur se rendent à Fond Jean-Noël pour y installer un atelier informatique doté de l’infrastructure nécessaire à son fonctionnement (groupe électrogène) ainsi que d’une liaison internet grâce à une parabole satellitaire.

Cette installation est complétée par une formation pratique auprès des enseignants (maintenance de base du matériel et usage bureautique). Les deux membres d’Haïti Futur sont retournés à plusieurs reprises à Fond Jean Noël pour compléter la formation des professeurs.

Parce que l’éducation numérique peut être un appui important pour répondre aux défis de l’éducation de masse et de qualité en Haïti tels qu’ils sont repris dans le « Pacte National pour l’Education en Haïti », il a été décidé de remplacer les PC par une formule plus moderne et intégrée de salle de classe numérique dotée d’ordinateurs portables, d’un vidéoprojecteur et d’un tableau blanc numérique.

Cette opération a été réalisée avec le concours de la société Educatech, située à Port-au-Prince, qui travaille depuis plusieurs années sur le concept de classe numérique. Un « pack » complet est livré au CEF accompagné de matériel pédagogique, de quelques contenus (encyclopédie Encarta sur cd-rom) et d’une formation des professeurs à l’utilisation du tableau blanc numérique.

Un premier bilan a pu être fait avec les enseignants lors d’un séjour en Haïti, au cours de deux réunions de travail organisées avec les professeurs des niveaux primaires et secondaires.

Les retours d’expérience, confirmés par notre voyage-bilan post-séisme, du 21 avril au 1er mai 2010 sont les suivants :

  • Le besoin prioritairement exprimé porte sur l’accompagnement pédagogique et l’accès à des contenus maîtrisés par le corps enseignant. En ce sens les encyclopédies fournies avec le matériel sont mal utilisées ou inadéquates. Il y a une forte demande de soutien pédagogique dont nous avons eu également l’écho dans les autres établissements où nous nous sommes rendus.
  • Les connexions Internet en milieu rural restent problématiques en Haïti.
  • La mise à disposition d’ordinateurs – même dans des salles conçues à cette fin – ne peut jamais répondre totalement aux besoins quantitatifs: les élèves se retrouvent à 3 ou 4 par ordinateur ce qui diminue sensiblement l’efficacité des séances de travail et l’apport de l’informatique.

C’est pourquoi nous avons fait de la formation pédagogique des enseignants l’axe central de notre soutien pour les années à venir. Il nous semble que la numérisation des classes, si prometteuse, ne peut être envisagée sans de nouvelles méthodes pédagogiques, basées sur l’expérience et le pragmatisme.

Cette approche induit plusieurs conséquences :

  • La nécessité de mettre en réseau nos différents projets pour favoriser les échanges et retours d’expérience mutuels,
  • L’interrogation sur les moyens matériels à mettre en œuvre. La numérisation ne peut – à court terme – être envisagée comme la simple mise à disposition d’un ordinateur par élève. D’autres démarches sont à inventer ou à trouver – moins coûteuses et plus adaptées aux réalités du terrain,
  • L’importance à donner au contenu pédagogique, en étroite collaboration avec les enseignants. Cette analyse nous a rapprochés de la DIENA (Délégation Interministérielle à l’Éducation Numérique en Afrique) via son programme SANKORE.

PARTENARIATS

Partenariat avec le Ministère de l’Education Nationale en Haïti

Le Ministère (MENFP) est très intéressé par l’appui que peut apporter l’éducation numérique pour diffuser un enseignement de qualité au plus grand nombre.

Le Directeur de l’Ecole Fondamentale au Ministère, suit et participe à cette expérience (qui pendant les 3 premières années est menée par Haïti Futur), afin d’être en capacité d’en assurer la diffusion si les évaluations s’avèrent positives.

L’EFACAP de Mersan (école d’application du Ministère qui supervise 26 écoles du district scolaire Camp-Perrin / Maniche) est un lieu privilégié d’expérimentation. Par ailleurs, l’Université Publique des Cayes et son département « Sciences de l’éducation » accompagne la démarche (fabrication de contenus pédagogiques, formation des enseignants et évaluation du programme).

Partenariat avec le programme SANKORE

La collaboration en France avec la DIENA (Délégation Interministérielle pour l’Education Numérique en Afrique – programme SANKORE) permet de bénéficier d’un savoir-faire en cours d’élaboration dans les pays d’Afrique et de l’Océan Indien. La DIENA soutient également Haïti Futur par des dons de matériel.

Partenariat avec un éditeur haïtien

Les éditions KOPVIT (Librairie de l’Action sociale) mettent leurs ouvrages scolaires à disposition pour faciliter la création de contenus numériques sans droits d’auteur. Le Ministère met également à disposition ses publications (dont celles de l’IPN – Institut Pédagogique National).

Partenariat avec un éditeur haïtien

Les éditions KOPVIT (Librairie de l’Action sociale) mettent leurs ouvrages scolaires à disposition pour faciliter la création de contenus numériques sans droits d’auteur. Le Ministère met également à disposition ses publications (dont celles de l’IPN – Institut Pédagogique National).

De plus en plus de partenaires

Au fur et à mesure que le programme se développe, de nouveaux partenaires se joignent aux équipes initiales.

En Haïti, la compagnie ENERSA met en place un pilote-solaire à l’école nationale du Paraguay (PaP). La Fondation CompHaïti installe des équipements et forme de nombreuses équipes d’enseignants, en particulier dans les départements de l’Ouest et de la Grande’Anse. Elle travaille de concert avec Haïti Futur à l’élaboration d’une stratégie de développement du programme à l’échelle de tout le pays.

L’association France Volontaires participe activement au programme via la présence sur le terrain de plusieurs Volontaires de Solidarité Internationale (au Cap Haïtien, à Port-au-Prince et dans le département du Sud). OPADEL et Planète Urgence à la Montagne de Jacmel innovent en créant des centres d’enseignement numérique qui accueillent des classes de différentes écoles dans un bâtiment spécialement conçu pour le TNI.

Le GREF, ADEMA, plusieurs réseaux d’écoles congréganistes sont parties prenantes dans l’élargissement du programme à l’ensemble des départements. L’université n’est pas en reste : Quisqueya, la Faculté de Linguistique Appliquée, le campus de Limonade, plusieurs facultés de l’Université d’état sont maintenant équipées et forment à leur tour de futurs enseignants de l’éducation numérique…

En France, de nouveaux partenaires renforcent l’équipe de conception. Plusieurs organismes et médias (SOL France, Canal Plus) communiquent sur le programme. Des associations, des entreprises et des collectivités (telles que le Conseil général de l’Essonne, le Rotary de Cosne/Loire, la fondation Total…) se mobilisent pour équiper et électrifier une ou plusieurs écoles.

Le programme d’éducation numérique (août 2012)

Vidéo de la Fondation de France qui a soutenu dès l’origine le programme d’éducation numérique d’Haïti Futur

Nos partenaires aujourd’hui

  • MENFP
  • MTPTC
  • Fondation de France
  • AFD
  • Banque Mondiale
  • USAID
  • Associations privées
  • Rotary Club
  • Planète Urgence
  • ESF
  • GREF
  • CHF
  • GRAHN
  • REFERANS
  • ESIH
  • KOPIVIT
  • PRODEV
  • Jean Baptiste Pointe du Sable
  • Montessori
  • Vision Nouvelle Limbe
  • Université d’Ottawa
  • Mc Gill
  • Zanmi Lasante
  • etc.

CRÉATIONS DE CONTENUS PÉDAGOGIQUES

Les créations de contenu pédagogiques des 2ème, 3ème et 4ème années fondamentales en 2016 :

Le programme SANKORE étant devenu obsolète, Haïti Futur a décidé en 2016 de développer les futurs contenus pédagogiques sous LiveCode 8, un logiciel pratique et intuitif qui permet une bonne maniabilité sur le TNI.

Après l’appel d’offre lancé à l’été 2016, Haïti Futur a choisi de confier la création de la suite des contenus pédagogiques aux sociétés NEEH et Tralalère à Paris et l’ESIH en Haïti.
Ces contenus ont été attribués comme suit :
NEEH pour les cours de Mathématiques des 2ème, 3ème et 4ème années et pour la formation des professeurs ;
Tralalère pour les cours de Français des 2ème, 3ème et 4ème années ;
l’ESIH pour les cours de Créole et de Sciences sociales des 2ème, 3ème et 4ème années.

S’IMPLIQUER AU DÉVELOPPEMENT DE L’ÉDUCATION NUMÉRIQUE EN HAÏTI

Afin d’associer les membres de la diaspora à participer activement à cette « révolution de l’éducation », Haïti Futur a lancé à leur intention début 2015 un slogan mobilisateur : Adoptez une école pour la moderniser ! Ainsi, d’anciens élèves se réunissent pour financer l’électrification et l’équipement TNI de leur ancienne école en Haïti. Ce pont entre les générations et entre les haïtiens de l’intérieur et ceux qui sont partis est une des clés – nous en sommes persuadés – de la réussite future du programme !

L’ÉVOLUTION DU PROGRAMME

2010-2012

Haïti Futur installe 10 TNI en Haïti. La Fondation de France en apporte 30 supplémentaires ; puis un partenariat se crée avec le MENFP, Haïti Futur et d’autres associations privées (Rotary Club, Planète Urgence, etc.) pour l’équipement de 180 autres écoles, dans les écoles fondamentales (2/3 d’écoles privées et 1/3 d’écoles publiques), ainsi que dans d’autres institutions : installation de TNI, formation des professeurs et fourniture de contenus pédagogiques.

2015-2016

– Soutien à l’autofinancement d’écoles et d’institutions pour qu’elles s’équipent en TNI et forment leur corps enseignant ; accès aux contenus pédagogiques créés par HF et ses partenaires, qui sont libres de droits.
– Lancement du programme « Adopter une école à moderniser », qui comprend électrification, équipement en TNI, formation des enseignants et accès aux contenus pédagogiques.
Haïti Futur continuera d’appuyer les individus et institutions désireuses de s’investir dans ces deux programmes à l’avenir.

2017-2018

Programme PRIMTICE, en partenariat avec le MENFP, le MTPTC et Electriciens sans Frontières et financé par la Banque Mondiale, afin d’équiper 500 écoles fondamentales publiques : électrification, TNI, formation et contenus pédagogiques.

2018-2020

Programme COMOSEH, en partenariat avec le Collectif Haïti de France, le Groupement des Educateurs sans Frontières, Haïti Futur (associé avec le GRAHN et REFERANS), financé par l’AFD, afin d’équiper 30 écoles en numérique et en infrastructures adaptées : électrification, TNI, formation, contenus pédagogiques, jardins, eau courante, toilettes et cantine.

CALENDRIER DU PROGRAMME